La Réalité Virtuelle en Thérapie (II) : Applications

De la prise en charge de la douleur chronique au traitement des syndromes post-traumatiques, cette nouvelle technologie promet de révolutionner la médecine et la prise en charge des patients.

Résumé de l’article précédent

Dans l’article précédent, à lire ici : Réalité Virtuelle en Thérapie (I), nous avions tenté de comprendre en quoi certaines expériences de réalité virtuelle pouvaient être intéressantes en thérapie. En nous fondant sur des résultats de neurosciences, nous avons vu que la réalité virtuelle jouait sur la psyche d’une personne par le détournement d’attention et la diversion (utile pour la douleur) ou même, en lui faisant accepter une nouvelle réalité. Cette dernière application s’avère utile en psychiatrie et thérapie comportementale.

Le but de cette seconde partie, qui se veut plus énumérative que technique, est de lister les grandes applications des techniques de réalité virtuelle en thérapie.

Applications Thérapeutiques de le réalité virtuelle

Douleur

Sans surprise, la première application de la réalité virtuelle à laquelle je pense est le traitement de la douleur. Je renvoie à notre article sur le sujet … dans lequel nous détaillons les mécanismes d’action d’une expérience de réalité virtuelle sur le cerveau et comment la réalité virtuelle module la perception du signal douloureux. De nombreux travaux scientifiques extrêmement sérieux montrent l’efficacité de la réalité virtuelle sur la douleur aigüe (soins hospitaliers, brûlure, réduction de fracture etc.). Il serait impossible de tous les citer (nous ferons une liste un jour), mais le lecteur peut consulter les travaux originaux de l’équipe du Hunter Hoffman [1] (University of Washington) ou ceux de Brennan Spiegel [2](Cedars Sinai — Los Angeles).

Des expériences de réalité virtuelle méditatives et contemplatives auraient un effet sur la plasticité neuronale et aiderait à une meilleure tolérance de la douleur.

En ce qui concerne la douleur chronique, sujet qui nous passionne chez PainkillAR (painkillar.com), de nombreux travaux suggèrent que l’utilisation au long cours d’expériences de réalité virtuelle méditatives et contemplatives auraient un effet sur la plasticité neuronale et aiderait à une meilleure tolérance de la douleur. Je pense à nos travaux chez PainkillAR (non encore publiés) ou à ceux de l’équipe de Beth Darnall [3](Stanford) en partenariat avec la startup californienne AppliedVR.

Anesthésie

Un domaine de la médecine dans lequel la réalité virtuelle commence à être utilisée est l’anesthésie. On sait déjà que certaines procédures légères comme des opérations de la thyroïde ou des chirurgies dentaires peuvent être faites sous hypnose et sans anesthésie (ou sédation légère). D’où l’idée d’utiliser des environnements de réalité virtuelle pour plonger les patients dans un état pseudo-hypnotique et ainsi les relaxer avant ou pendant une chirurgie banale. C’est l’idée sur laquelle travaille certaines boîtes, dont les français de HypnoVR ou Healthy Mind, avec un certain succès. Qui sait, peut-être serez-vous “anesthésié” sous réalité virtuelle à votre prochaine gastroscopie 😅 ?

Phobies

Autre champ d’application de la réalité virtuelle : le traitement des phobies. Prenons la peur maladive des araignées (arachnophobie), la peur du vide (acrophobie) ou la sensation d’oppression dans des endroits clos (claustorphobie). En général, les thérapies dites d’exposition marchent bien sur ce type de phobies. L’idée est d’exposer graduellement la personne à la chose qui l’angoisse. Exemple : pour une patiente arachnophobe, on va commencer par l’exposer à une araignée, loin, au fond de la pièce. Puis, à la prochaine séance, peut-être rapprocher l’araignée de la patiente, éventuellement mettre une deuxième dans la pièce etc. En cabinet, les psychiatres et psychologues spécialisés font généralement cela avec des jouets en plastique.

Pour la peur du vide, c’est plus compliqué. D’où l’idée d’utiliser des environnements de réalité virtuelle spécialement conçus pour immerger les patients dans des situations inconfortables et ainsi les aider à surmonter leurs blocages. La startup Oxford VR (qui comme son nom l’indique est une spin-off du département de psychologie de la prestigieuse université) propose des environnements assez bluffants qui permettent d’explorer les différents étages d’un immense centre commercial en commençant du 1er étage jusqu’à 45è 🥵. D’autres startups travaillent sur le sujet notamment VRPhobia ou les français de C2Care.

À noter une ambivalence dans ces thérapies virtuelles : la personne est au courant qu’elle est dans un environnement virtuel de type jeu vidéo, mais l’expérience est suffisamment réaliste pour provoquer le stress phobique (impression de hauteur ou confrontation à des araignées). Surtout, l’avantage de la réalité virtuelle, c’est que l’on peut arrêter l’expérience à tout moment et tout se passe dans un environnement contrôlé est contrôlable. Ce qui est rassurant pour le patient et très intéressant pour le clinicien.

PTSD

En essayant de revivre en réalité virtuelle des moments traumatisants, peut-être est-il possible de les appréhender avec du recul et de les exorciser.

On reste dans le domaine de la psychiatrie avec l’utilisation de la réalité virtuelle pour le traitement des PTSD [4] (Post Traumatic Stress Disorders) ou Stress Post-Traumatiques, en bon français. Les premières expériences sur le sujet ont été conduites par l’armée américaine pour traiter les soldats choqués par le retour des guerres Irak/Afghanistan. L’idée emprunte encore au registre des sciences comportementales. En essayant de revivre en réalité virtuelle des moments traumatisants, peut-être est-il possible de les appréhender avec du recul et de les exorciser.

Autre exemple : celui d’une femme ayant subi un viol dans une station de métro. Suite à ce traumatisme, la jeune femme a développé un blocage tel qu’elle ne pouvait plus sortir de chez elle. Elle était confinée avant l’heure la pauvre. Et rien n’y a fait : ni la psychothérapie “classique”, ni les anti-dépresseurs, ni les anxiolytiques. Pour cette patiente, la thérapie virtuelle serait parfaitement adaptée. Elle pourrait revivre des sorties virtuelles en toute quiétude et sécurité, peut-être même reprendre le métro dans un monde virtuel, réapprendre à vivre, petit à petit, et surmonter le traumatisme qu’elle a vécu.

Troubles ORL

Enfin, mentionnons un domaine plus exotique de l’utilisation de la réalité virtuelle en thérapie : celui des troubles ORL, en particulier quelque chose dont je souffre personnellement comme des millions de françaises et français : les acouphènes — ces sifflements parasites dans l’oreille perçus même en l’absence de sons extérieurs. Il n’y a pas de traitement connu pour venir à bout de ce syndrome extrêmement pénible et qui handicape gravement la qualité de vie des gens qui en souffrent. Là encore, l’option la plus courante est un mix de thérapie sonore et de thérapies cognitives et comportementales.

On fait souvent le parallèle (à tort ?) encore acouphènes et douleurs fantômes (lire notre article Réalité Virtuelle et Douleur). De là ont germé certaines idées : travailler sur la plasticité neuronale en mixant des signaux sonores et des représentations spatiales en 3D. La réalité virtuelle, technologie qui combine son spatialisé et graphisme 3D, paraît une voie de recherche intéressante pour développer des thérapies innovantes dans le traitement des acouphènes. À ma connaissance, peu d’équipes travaillent sur le sujet — peut-être Immersive Therapy à Rennes. Je renvoie l’excellent papier de Malinvaud et Londero et al. [5] pour ceux que cela intéresse.

Conclusion

Longtemps qualifiée de jouet technologique pour gamers (fans de jeux vidéos), la réalité virtuelle ouvre un immense champ des possibles en médecine et en thérapie. De la prise en charge de la douleur chronique au traitement des syndromes post-traumatiques, cette nouvelle technologie promet de révolutionner la médecine et la prise en charge des patients [6].

Guillaume Palacios, PhD — co-fondateur de PainkillAR.

Pour en savoir plus sur la réalité virtuelle dans le domaine de la douleur, visitez notre site : https://www.painkillar.com et testez notre nouvelle application de réalité virtuelle pour smartphone sur https://www.lindra.co

Références

[1] Hoffman, Hunter G et al.
Virtual reality as an adjunctive non-pharmacologic analgesic for acute burn pain during medical procedures.
Annals of behavioral medicine : a publication of the Society of Behavioral Medicine vol. 41,2 (2011): 183–91. doi:10.1007/s12160–010–9248–7

[2] Brennan Spiegel, Garth Fuller, Mayra Lopez, Taylor Dupuy, Benjamin Noah, Amber Howard, Michael Albert, Vartan Tashjian, Richard Lam, Joseph Ahn, Francis Dailey, Bradley T. Rosen, Mark Vrahas, Itai Danovitch
Virtual reality for management of pain in hospitalized patients: A randomized comparative effectiveness trial
https://doi.org/10.1371/journal.pone.0219115

[3] Darnall BD, Krishnamurthy P, Tsuei J, Minor JD.
Self-Administered Skills-Based Virtual Reality Intervention for Chronic Pain: Randomized Controlled Pilot Study.
JMIR Form Res. 2020 Jul 7;4(7):e17293. doi: 10.2196/17293. PMID: 32374272; PMCID: PMC7381022.

[4] Kothgassner, O. D., Goreis, A., Kafka, J. X., Van Eickels, R. L., Plener, P. L., & Felnhofer, A. (2019).
Virtual reality exposure therapy for posttraumatic stress disorder (PTSD): a meta-analysis.
European journal of psychotraumatology, 10(1), 1654782.
https://doi.org/10.1080/20008198.2019.1654782

[5] Malinvaud D, Londero A, Niarra R, Peignard P, Warusfel O, Viaud-Delmon I, Chatellier G, Bonfils P.
Auditory and visual 3D virtual reality therapy as a new treatment for chronic subjective tinnitus: Results of a randomized controlled trial.
Hear Res. 2016 Mar;333:127–135. doi: 10.1016/j.heares.2015.12.023. Epub 2016 Jan 8. PMID: 26773752.

[6] Brenna Spiegel
VRx: How Virtual Therapeutics Will Revolutionize Medicine
Basic Books (2020)


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