La Réalité Virtuelle en Thérapie (I) : Pourquoi ça Marche ?

Longtemps considérée comme une technologie réservée aux gamers (amateurs de jeux vidéos), la réalité virtuelle conquiert chaque jour de nouveaux territoires. Que ce soit dans le domaine de la formation professionnelle, de la construction immobilière voire du tourisme, la réalité virtuelle est une technologie qui prend de plus en de place dans nos sociétés. Mais c’est dans le domaine de la médecine que les promesses offertes par la réalité virtuelle sont les plus mirifiques. En effet, de part le monde, les recherches universitaires s’accumulent et les travaux de startups se multiplient, qui utilisent des techniques de réalité virtuelle pour tenter de résoudre des problèmes de santé publique aussi fondamentaux que la douleur chronique, l’addiction aux drogues et aux médicaments, la dépression sévère, l’autisme, la rééducation ou la lutte contre les maladies dégénératives (type Alzheimer).

C’est dans le domaine de la médecine que les promesses offertes par la réalité virtuelle sont les plus mirifiques.

Dans cette série d’articles en deux parties, nous passons en revue brièvement les champs d’application de la réalité virtuelle dans le domaine de la médecine, et plus particulièrement dans le domaine de la neuropsychiatrie, cette discipline à la frontière entre la psychiatrie, la psychologie clinique et les neurosciences.

Première partie : nous allons chercher à comprendre pourquoi la réalité virtuelle a un intérêt en thérapie, au sens large, et pourquoi cette technologie semble si bien marcher sur le cerveau humain.

VR et contre-culture

Avant de rentrer dans le vif du sujet, permettez-moi une digression. Nous avons toutes et tous été exposés au concept de réalité virtuelle ou alternative par la littérature de science-fiction, les jeux vidéos ou le cinéma. Le film Tron de Disney nous invitait à entrer dans la machine avec son héros. Matrix, film iconique de la fin des années 90, réinventait, à l’heure des technologies numériques, le mythe de la caverne de Platon et nous interrogeait sur notre rapport au réel. Enfin, le dernier opus de Steven Spielberg, Ready-Player-One (que je n’ai toujours pas vu 😅) met la réalité virtuelle au centre du jeu.

Cette volonté d’échapper au réel et d’explorer de nouveaux horizons n’est pas nouvelle. Elle est même le propre de l’humanité. Les prophètes de la contre-culture des années 60 avaient théorisé l’expansion de la conscience par la chimie et les drogues psychédéliques. Le LSD promettait d’être une solution à de nombreux troubles anxieux engendrés par les guerres et la société de consommation américaine. Cela n’a pas fonctionné, même si les substances psychédéliques connaissent un regain d’intérêt en psychiatrie ces dernières années (nous ferons un article sur le sujet). Reste la possibilité de l’expansion de la conscience par la technologie. Ainsi, Timothy Leary, l’un des chantres de la contre-culture, comparait l’avènement de la réalité virtuelle (VR ou Virtual Reality) à un LSD numérique : une porte vers un nouvel état de la psyché.

Cette parenthèse m’amène au cœur de mon propos : la VR, qui propose de projeter l’individu dans des environnements numérisés, contrôlés et contrôlables, est un outil intéressant pour travailler sur le cerveau, le “piéger”, et lui faire accepter des réalités alternatives et de nouvelles perspectives. Et c’est précisément l’un des enjeux de la psychiatrie.

Les techniques de VR ouvrent la voie vers une (neuro)psychiatrie 2.0 centrée sur le patient, ses besoins, ses problèmes et ses peurs, et sur l’utilisation de la technologie plutôt que sur la médication chimique.

Alors, à la façon d’une drogue psychédélique qui permet d’ouvrir de nouveaux champs de conscience, d’un antidépresseur qui bloque la capture de la sérotonine et permet de réguler la chimie du cerveau, la VR peut avoir un effet thérapeutique sur le cerveau humain. Les techniques de VR, que nous discuterons dans la suite de cet article, ouvrent la voie vers une (neuro)psychiatrie 2.0 centrée sur le patient, ses besoins, ses problèmes et ses peurs, et sur l’utilisation de la technologie plutôt que sur la médication chimique. Certains parlent de thérapie digitale, même si personnellement, je n’ai jamais été fan de ce terme.

Un peu de Neurosciences

Certains d’entre vous se posent sans doute la question : en quoi le simple fait de prendre part à une expérience de VR ou de regarder une vidéo 3D immersive peut avoir quelconque impact sur mon cerveau ? Cette question est légitime, et pour être parfaitement honnête avec vous, je me la suis posée au tout début de mes recherches sur le sujet.

Pour répondre à cette question, il faut juste connaître quelques principes basiques de neurosciences.

Diversion et Brain Overload

Ce qu’il y a de génial avec la réalité virtuelle, c’est qu’une fois équipé d’un casque de VR et d’écouteurs audio, on est totalement coupé du monde.

Le premier concept qui explique que la réalité virtuelle ait un impact significatif sur le comportement est vieux comme le monde. C’est le principe de diversion et de brain overload (saturation d’information du cerveau). En effet, le simple fait d’être plongé dans une simulation virtuelle et d’y être totalement absorbé, soit par la beauté des paysages soit en étant actif dans la simulation comme dans un jeu vidéo, accapare toute notre attention. C’est déjà vrai d’un bon film ou d’un jeu vidéo traditionnel. Mais ce qu’il y a de génial avec la réalité virtuelle, c’est qu’une fois équipé d’un casque de VR et d’écouteurs audio, on est totalement coupé du monde. Impossible de succomber à des distractions externes.

Ce concept est à la base de nombreuses applications de réalité virtuelle pour détourner l’attention d’un patient de la douleur pendant une procédure délicate (prise de sang, soins de brûlures, opération dentaire). Quiconque se souvient de la scène des Bronzés font du ski dans laquelle Nathalie se déboîte l’épaule après une chute de ski sait de quoi je parle 😜.

Une autre vidéo qui tourne sur les réseaux sociaux montre un pédiatre qui développe tout un stratagème pour éviter que le bébé qu’il doit vacciner se doute qu’on va le piquer. Il fait joujou avec lui, stimule de nombreuses zones de son corps et lui envoie des bulles de savon. Ce sont de véritables goodies d’information pour le cerveau vite dépassé du petit.


Hypnose

Une expérience de VR bien construite aurait des effets comparables à une séance d’hypnose.

L’autre grande idée qui sous-entend l’utilisation de la réalité virtuelle en thérapie est qu’une expérience de VR bien construite aurait des effets comparables à une séance d’hypnose. L’état hypnotique est cet état modifié de conscience à la frontière entre le conscient et l’inconscient.

Dès le début de la psychiatrie moderne, Charcot, Freud, et même le grand neurobiologiste Ramón y Cajal, ont utilisé l’hypnose et ont décrit ces vertus thérapeutiques dans le traitement de l’hystérie et de la douleur. Milton Erickson, père fondateur de l’hypnothérapie dite ericksonienne, a expérimenté l’auto-hypnose sur lui-même pour soulager les effets de sa poliomyélite. Au 21è siècle, l’hypnose médicale revient à la mode en anesthésie et en thérapie. Sans doute à cause d’une surconsommation de produits anesthésiques, de psychotropes et d’antalgiques.

En vertu de son caractère “trippant” et très immersif, il n’est pas surprenant que les techniques d’hypnose moderne utilise la technologie de la VR comme catalyseur à l’induction hypnotique.

Neurones miroirs

Dernier concept sur lequel on s’appuie fréquemment pour expliquer l’efficacité des thérapies par réalité virtuelle : celui des neurones miroirs.

Les neurones dits miroirs, sont ceux qui nous permettent de voir ou de simuler une action pour produire des effets sur l’interprétation que le cerveau fait du signal douloureux. L’exemple emblématique est l’expérience de Ramachandran (professeur de neurosciences à Stanford) sur le traitement de la douleur du membre fantôme. La douleur fantôme est une douleur persistante d’un membre amputé. C’est un cas d’école intéressant parce que le simple fait de voir le membre sain bouger dans le miroir, dans un reflet qui se superpose au membre amputé, soulage quasi immédiatement la douleur dans le membre amputé. Alors même que le sujet est parfaitement conscient de son amputation ! Probablement qu’il se passe une chose similaire quand un patient se met en scène dans un environnement en réalité virtuelle lui proposant d’apaiser ses douleurs.

À suivre ..

Dans le prochain article de cette série, nous développerons plus en détail les différentes applications médicales et thérapeutiques de la réalité virtuelle.

Merci et à la prochaine ! Et d’ici là, retrouvez-nous sur nos sites internet : https://www.painkillar.com ou testez notre application de réalité virtuelle pour la gestion de la douleur : https://www.lindra.co et suivez-nous sur les réseaux sociaux.

Guillaume Palacios, PhD — co-fondateur de PainkillAR
contact : guillaume@painkillar.io

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